Débrancher...

Il est 7 heure du matin et le réveil sonne. Cela fait déjà 7 ans que Rémi a décidé que c'est à cette heure-là qu'il prendrait sa douche, son petit déjeuner et s'apprêterait pour aller chercher son pain et puis irait trois fois par semaine à l'ANPE devenu aujourd'hui pôle-emploi. Les choses changent. Du RMI on est passé au RSA. Les années ont passé. Les galères se sont accumulées.
Lui, il est toujours là.
Cela fait déjà plusieurs mois que tout à changé pour lui. Aujourd'hui... le réveil sonne et il l'éteint. Il reste couché finalement. Il se rendort car il ne se sent pas la force de se lever et de faire semblant.
Il n'a pas remarqué qu'il était souvent fatigué, notre Rémi. Il ne va presque plus à pôle-emploi. Pour quoi faire ? Il n'y a rien pour lui. À chaque fois... il n'est pas assez diplômé ou bien il est trop âgé, ou bien pas assez bien pour le poste. Mais ça, on ne lui dit pas. Le gars qui le suit lui fait juste signer un papier. Fait semblant de lui trouver un poste qu'il sait très bien qu'il n'obtiendra pas. On ne l'appelle pas, certains chômeurs sont appelés. Mais pas lui...
Il a de moins en moins d'argent sur son compte en banque et moins c'est moins que rien. Car il n'avait pas beaucoup. Il se prive de tout. Il n'a plus envi de rien. Il n'y croit plus.
Cela faisait longtemps que ça couvait en lui. Et aujourd'hui... ça y est.
Il est 9 heure du mat' quand il se lève. Dehors c'est tout blanc. C'est un beau jour. Oui un beau jour. Pas pour les sans-abris qui vont crevés de froid mais c'est un beau jour pour les autres. C'est un beau jour pour ceux de la CAF qui sont des imbéciles, des crétins, des salauds, des ordures, des voleurs, des cons qui jugent sans savoir. C'est un beau jour pour les employé(e)s de Pôle-emploi qui n'en ont rien à faire des chômeurs et d'ailleurs il n'y a rien à faire pour eux et surtout pas pour des gens comme lui que personne ne veut plus. C'est un beau jour pour les gonzesses des CCAS qui le regardent avec dédain tellement il les dérange quand il va à son entretien. À ce propos, c'est encore une nouvelle qui s'occupe de lui. Une vrai conne. Arrogante et qui se prend pour je ne sais qui, je ne sais quoi. Il y a deux mois, il s'est pris la tête avec elle. Alors elle a écrit à ses supérieurs la cocotte pas contente. Tu parles ! Un pauvre rmiste-rsa à la limite de la cloche qui ose dire les choses telles qu'elles sont ? Il lui a dit le Rémi, si elle n'a pas de boulot à lui proposer, son contrat d'insertion elle peut se le mettre au cul !
Alors la poufiasse l'a mal pris. Bon, en même temps, imaginé qu'un contrat d'insertion dans le cul, cela ne fait pas autant de bien qu'une bonne queue. Parce que c'est l'impression qu'il a quand il la voit, qu'elle est juste là pour faire acte de présence et toucher sa paye à la fin du mois. Une fois, elle était toute contente parce qu'elle était invitée à une partouze. Elle se sentait plus pisser la gonz'. Elle était tellement contente qu'il a cru qu'elle allait s'envoler.
Et puis, faut la voir avec son affiche des « restos du coeur » bien affiché derrière le mur. Elle se sent toute puissante la gamine. Vie et mort sur les gens. « Tu me plais toi ! Tu auras de la bûche des restos pour Noël ! Tu me plais pas, t'auras du gouda ! ». « Supplie moi sale pauvre ! ».
Et bien avec Rémi, ça serait plutôt une baffe dans la gueule qu'elle aurait la pimbêche ! Heureusement qu'elle est mignonne, jeune et bien foutue, parce que ce n'est pas par son intelligence qu'elle brille !
Mais il s'en fout. Il en a rien à battre comme il dit. D'ailleurs, la direction générale de l'ETI, équipe territoriale d'insertion, qu'ils appellent ça, ces bandes de sales cons, tellement fainéants, qu'ils en puent tous à 15 km à la ronde ! Saleté de profiteurs de la misère humaine va ! Comme dirait notre pauvre rmiste sans famille. Parce que bon...
Même à la mission locale de sa ville. Il sent qu'il dérange. Alors il n'a plus envie d'y aller. De toute façon, la fille qui s'occupe des chômeurs lui propose jamais rien. Il voit bien qu'il est un poids. Alors depuis quelque temps il n'y va plus. De toute façon, les contrats aidés ne sont pas affichés sur le site de pôle-emploi. Et comme on ne lui dit pas quand il y en a un... du coup, c'est un autre qui profite. Mais lui, il n'a droit à rien. Il a le sentiment d'être un indien à l'époque du far west ou un juif pendant la seconde guerre. Sa vie n'a plus d'importance pour les autres. Il n'est pas aveugle Rémi, il voit bien tout ça. Pas besoin qu'on lui fasse un dessin va !
Alors lui, il s'en fout. Il n'ira plus nul part. Il a décidé de faire de la résistance. Même de la résistance à la vie. Il fait ce qu'il veut ! Même s'il a envie de se couper en se rasant ! Même si son rasoir glisse et lui coupe le cou ! Même pas mal ! Un rasoir, ça peut même glisser jusqu'aux veines des bras ! Si si ! Ça s'est déjà vu. Ben quoi ? Un accident est vite arrivé !
Il ne parle plus à personne. D'ailleurs, ça lui fait mal de parler. Il a décroché son téléphone. Pourquoi il répondrait d'abord ? Il en rien à foutre des sondages et des ventes en tout genre. De toute façon, il n'a pas d'argent, donc il ne peut pas dépenser ! Hé ! Du coup !
De toute façon, non, vraiment, il n'a plus du tout envie de parler. Même pas à Victor. Même pas à un membre de sa famille. Pour dire quoi ? À partir du 20 décembre jusqu'au 20 janvier, le téléphone sera bloqué ! D'ailleurs, il sert à quoi ce téléphone ? À rien. Ben si, à faire sa télédéclaration comme quoi il est toujours chômeur !
Pas question que quelqu'un se donne bonne conscience en lui souhaitant « joyeux noël » ou « bonne année ». Faudra qu'il se les encaisse dans la rue. Tu parles d'une bonne année ! Et pourquoi on dit pas « mauvaise année » hein ? Pourquoi pas ? Genre « bonne année, bonne santé, crève à la fin du mois ! ».
Quand t'es dans ce genre de désert sans lumière, sans espoir d'une source d'eau et seul au monde, tu te dis que tu n'as qu'un choix devant toi. Soi tu avances, soit tu le laisse crever.
Mais crever cela prend du temps. Alors on avance. Sans espoirs, mais on avance.
Il ne se demande pas « quand c'est le bonheur ? », Rémi...
Il se demande même si ça existe vraiment. En tout cas, pas pour lui.
Alors il ne faut pas lui demander de faire semblant d'être heureux ! Il ne veut plus sourire ! Il ne veut même plus dire bonjour ! Pourquoi on ne dit pas « mauvais jour » d'abord ? Hein pourquoi ? « mauvais jour ducon ! ». Cela ferait mieux non ?
Rémi n'a plus envie de rien. Le drame... c'est que personne ne le voit. Ou plutôt, que tout le monde s'en fout.

Ce texte n'est qu'une fiction hélas basé sur faits réels. Si vous vous trouvez dans cette situation, n'abandonnez pas. Luttez, croyez en vous !
Chaques mois, plus de 100 personnes se retrouve dans la précarité. Chômeurs jeunes et moins jeunes. Retraité(e)s, travailleurs pauvres, sans-papiers.

Comments

[Karleman]

Wondercat - C'est très vrai. Ce n'est pas facile pour les plus pauvres en ce moment.
Bonne journée chère Cat à bientôt bisous

[Wondercat]

on a parfois l'impression de lutter contre des montagnes!!!et dans ces périodes là on rencontre que des cons imbus d'eux mêmes qui croient avoir tous les droits !!!bonne journée ,bisous

[Karleman]

Sansonnette - Je ne me rapelle plus son nom, mais oui, je l'ai vu sur quelques plateaux télé.
Oui, elle a dénoncée ce que tous les chômeurs savaient en fait. Enfin, pas tout...
Je suis certain que le pire ne se saura jamais.
Elle a parlé des copinages entre conseillés qui donnent les places aux copains chômeurs ? Non ?
Et de ceux qu'on radient à "pif paf pouf" ?
Bisous. à bientôt. Et ton sapin de noel, il est déjà fait ? :)
Si tu vois des charentaises trouées, c'est les miennes !!! :))) Ben quoi ? j'allais pas en mettre des neuves...

[sansonnette]

ah le pole emploi... as tu entendu parler d'une femme qui y a travaillé,elle a ecrit un bouquin pour denoncer tout ce qui s'y passe ???c'est revoltant!
bisouss

[Karleman]

M.R. - C'est possible. En ce moment, je suis assez révolté par certains faits sociétaires.
Bonne journée à toi aussi.