Gris printemps
Le printemps est arrivé et pourtant il nous semble être la continuation de ce long hiver. Certes, il fut long, froid, neigeux, sombre et gris. Comme un hiver, me direz vous.
Il s'est installé et ne semble pas vouloir nous quitter. Pourtant, sur le calendrier il est écrit que c'est le printemps. On entend parfois les oiseaux chantés entre deux coups de froid. Les bourgeons ont beaucoup de peine à éclore sur les arbres. Il n'y a pas encore de fleurs. Et pourtant, c'est la douce saison.
Tout ça, dans le quart nord du pays, car peut-être, dans certaines régions plus favorables au soleil, il fait un peu plus doux. Je me garderai donc de vous parlez d'ailleurs et me cantonnerai dans ma douce et froide ou frisquette région. Pour faire dans le local, je ne vous parlerai encore que de ma petite ville et de ses alentours. Ici tout est gris. Tout est froid. Tout est humide. Et les pâles rayons qui font parfois leur apparition cèdent très vite la place aux nuages gris ou blancs neigeux restant seuls maîtres du ciel gris-bleu horizon de Lorraine.
Ici, la joie a presque quitté les coeurs. Même s'il n'est qu'une façade, car dans bien des coeurs il reste la joie de vivre et c'est un bien fait car sinon notre ville ne serait plus qu'un no-mans land. Pourtant, je peux l'affirmer, la gaieté n'est plus aussi présente et tous espère les précieux rayons qui réchaufferont le coeur et les os de tous et feront fleurir la terre et redonner le sourire aux messieurs à la vue des demoiselles en petite jupette.
Tout ici est gris et donne les couleurs d'une ambiance étrange, comme si une malédiction s'était abattue sur notre petite cité. Un voile de gris à tout enrobé et même s'il fait jour plus longtemps, la pâleur et la noirceur fait en sorte que c'est tout de suite la nuit. Vers le soir, il n'y a plus de vies.
Il reste à quelqu'un un semblant de sourire, une fausse joie ou un étrange contentement. Il lui paraît comme une habitude à ce climat d'un autre pays d'on ne sais où au temps et habitudes inconnues alors d'ici. Il u a comme une accoutumance et une adaptation à la rigueur dans le visage pâle et froid de celui qui est en moi. Pas de doute et sans plus attendre, je vous l'avoue c'est moi.
Oui, ce temps me convient à merveille ou plutôt convient à celui qui est en moi. Il n'attend pas le printemps et lorsque j'en émets l'envie, comme tout à chacun, et bien il soupire de désespoir comme si la belle saison allait lui faire du tors.
Pourtant le printemps est sources de joies et de gaietés de toutes sortes et c'est même la saison des amours, dit-on. C'est peut-être pour ça... qu'il n'aime pas. Car son coeur est froid. Il n'aimera plus jamais.
Vous trouverez étrange que je vous parle de lui comme on parle d'un étranger. Mais il est un corps étranger et même s'il est en moi depuis de très longues années, je ne pourrais vous dire qui il est réellement. Et pourtant, il est bien présent avec son cortèges de froideur, de rigueur et de solitude qu'il engendre autour de lui... autour de moi.
Voici un rayon de soleil. Je vais à ma fenêtre. Mais ce rayon me repousse et comme par une magie s'éloigne de moi. Mon coeur a froid et frissonne. L'espoir d'un printemps et d'une chaleur s'éloigne de moi et mon espoir s'éteint et meurt comme une braise tiède sous une averse froide.
Je n'attends plus le printemps. Je n'attends plus le bonheur et la joie. C'est devenu un luxe.
Ici, « les sans-noms » ont pris le pouvoir et tout est gris dans l'est jusqu'aux frontières lointaines des contrées inconnues que par les noms imprimée sur les cartes postales nous imposant un climat certainement doux à leurs espèces. Celui qui est en moi semble bien s'y plaire en tout cas.
Je n'attends pas le printemps. Je n'espère rien de lui. Espoir n'est plus qu'un mot ici; en tout cas pour moi. Je n'attend pas le printemps. Je le subirai.